Il a été chaperonné par Pharrell Williams, Kendrick Lamar est apparu sur sa première mixtape et il a sorti un EP produit entièrement par Kaytranada. Ce ne sont que quelques faits d’arme qui ont conduit le rappeur de Compton Buddy vers son premier album Harlan & Alondra, qui sort à point nommé pour l’été.
Dans l’histoire du Hip-Hop, les producteurs n’ont jamais été autant mis en avant que les rappeurs. Pourtant, c’est grâce à eux que cette musique perdure grâce au savoir-faire et la recherche de l’innovation musicale. On doit également aux producteurs les découvertes de rappeurs qui sont devenus des personnages importants dans l’histoire du Hip-Hop. Que serait devenu Rakim sans Eric B ? Snoop Dogg aurait-il été l’homme le plus cool de l’histoire sans Dr. Dre ? Eminem aurait-il brisé les barrières ethniques de nouveau sans Dr Dre ? Ou bien Clipse serait-il devenu l’un des groupes les plus respectés sans les Neptunes ? Les exemples de collaborations iconiques entre rappeurs et producteurs ne manquent pas et on ne sait pas jusqu’à quand cela perdura.
Un artiste en développement
Cette longue introduction est un prétexte pour parler d’un rappeur qui, dès sa découverte, avait tout pour devenir un personnage important : Buddy. Ce jeune homme vient d’un quartier pas du tout réputé pour sortir des rappeurs marquants, Compton. Buddy c’est aussi un nom, un visage et un style reconnaissable. Et ça, un producteur l’a compris tout de suite : Pharrell Williams. C’est en 2011 que le producteur le plus important des années 2000 le signe sur son label « i am OTHER », Buddy a alors 18 ans mais il impressionne déjà Skateboard P.
Il attendra trois ans avant de sortir sa première mixtape Idle Time où apparaissent Kendrick Lamar, Freddie Gibbs, Sir Michael Rocks, Casey Veggies, Miley Cirus et même Robin Thicke. Un casting 5 étoiles soutenu par des productions de Cardo, Boi-1da, Pharrell ou encore de Polyester the Saint. Un premier projet où tout est mis en œuvre pour que le gamin réussisse. Jusqu’à la suite il apparaitra aux côtés de BJ The Chicago Kid, Chance the Rapper, Nipsey Hussle et Wiz Khalifa. On disait jusqu’à la suite qui arrive en 2017 avec deux EPs en moins de 3 mois.
Un premier en mai avec Kaytranada intitulé Ocean & Montana, très bon grâce aux productions de qualité du Montréalais additionné à l’aisance de Buddy pour passer en toute décontraction du rap au chant. Un EP de cinq titres ensoleillés entre hip-hop, house et dancehall. Le second EP Magnolia, arrive fin août où ici, ce sont The Futuristicks qui prennent en charge la direction artistique sur les cinq titres qui le compose. Ces deux EPs, où on retrouve des collaborations rappeur/producteur permettent de créer une cohérence sonore et d’offrir à Buddy des terrains d’expérimentation musicale afin d’arriver au premier album officiel.
Un premier album personnel
Pour ce premier long format, Buddy va faire ce que beaucoup d’artistes font, il va être personnel. Dès le titre, Harlan & Alondra qui sont les rues perpendiculaires où il a grandi, jusqu’à mettre sa famille en avant sur la pochette de l’album. Cela rappelle un certain good kid, m.A.A.d city qui doit probablement être une source d’inspiration pour Buddy. Mais la comparaison ne s’arrête pas là. Tout comme Kendrick Lamar, Buddy a vécu dans un environnement familial stable, à comprendre avec ses deux parents et ses frères et sœurs. Mais également dans les textes, Buddy n’est pas un gangsta rapper comme YG mais un spectateur de la vie dans le ghetto.
Il ne faut pas s’attendre aux thèmes du Gangsta Rap avec apologie de l’argent facile, les drogues ou les armes. A la place Buddy livre des textes introspectifs sur son parcours (« Real Life S**t »), sa personnalité (« Find Me 2 ») ou le sexe (« Speechless »). Si dans l’ensemble cela reste léger, il y a quelques moments de conscience comme sur « Black » avec A$AP Ferg, où il questionne l’identité noire comme symbole, attitude et mode de vie. Par contre on apprécie la reprise de « Liberation » d’OutKast dans « Young », ça montre un peu les bonnes références du gamin.
Pour H&A, Buddy fait de nouveau appel aux Futuristicks pour la direction artistique de l’album comme ils l’ont fait pour Victory Lap, le premier album de Nipsey Hussle. Il faut donc s’attendre à une production moderne et ensoleillée. Si Victory Lap est une voiture de sport toutes options, Harlan & Alondra est plutôt une Cadillac pour rouler au ralenti sous les palmiers et la chaleur écrasante de la Californie. Les basses sont rondes, le groove est implacable et les instrumentales sont riches. Niveau production c’est donc du très bon avec comme point culminant « Trouble on Central » dans la pure tradition West Coast.
Il faut également parler des invités. Nous le disions plus haut, A$AP Ferg délivre un très bon couplet sur « Black », Ty Dolla $ign apporte sa touche si magique sur « Hey Up There », Khalid également lâche un refrain accrocheur sur « Trippin » et enfin Snoop Dogg se retrouve, comme une évidence, sur le Bushien « The Blue ».
Pour un premier album, Buddy ne déçoit absolument pas. Entre des qualités de rappeur/chanteur et de lyriciste, Harlan & Alondra est assurément un des meilleurs albums de ce semestre. Ajouté à cela des productions sur-mesure, le rendu final est tout à fait bon pour perdurer. Mais à 24 ans, Buddy peut encore prouver et étoffer son propos afin de pérenniser l’influence de Compton dans le Hip-Hop. Mais bon, avec le carnet d’adresses qu’il possède déjà et ses qualités, il peut monter très haut.